Epigraphe
- Marie Rbt
- 26 oct. 2016
- 3 min de lecture

J’ai l’impression d’étouffer. Je ne me sens pas… à ma place. J’ai vaguement conscience d'être quelque part où je ne veux pas être, mais je n’ai pas envie de regarder devant moi.
Léo, et si on partait ? On n’est pas obligé de stagner au milieu de la foule. On peut aussi bien aller s’enterrer ailleurs, se confiner dans un endroit où respirer demeurerait moins difficile qu’ici. On a qu’à fuir. Partir. S’enfuir. Je n’ai pas besoin d’une succession de plan pour sourire. Je n’ai pas besoin de velour rouge, où des milliers de personnes se sont assises avant nous. Je n’ai pas besoin d’une bande originale lugubre, fanée, accompagnant des images insensées, décomposées, pitoyables et démodées.
Rien ne peut me rapporter ton sourire, personne ne sera capable de tenir des discours aussi niais que les tiens, sur deux acteurs qui se tiennent la main. C’est avec toi que je veux refaire ça. Je ne veux pas à avoir à réfléchir, tu comprends ? C’est mille fois mieux quand tu le fais à ma place. C’est mille fois mieux quand c’est toi qui me décrit ces images, quand c’est ton rire qui couvre ces sons. C’est toujours mieux quand c’est toi. Tu étais mon propre film. Je me souviens de nos premiers mots, de nos éclats de rire, de tes doigts essuyant mes larmes à des moments où l’on était censé en sourire.
Et puis, je ne suis pas obligé de recourir à ce rituel : si tu n’es plus là, je n’y trouve plus d'intérêt. Revenir dans cette salle, faire comme si rien n’avait changé, faire comme si cette voiture n’était jamais passée, faire comme si tu existais. Encore, encore et encore. Parfois j'aimerais être malade. Pour avoir une vraie raison d’oublier la couleur de tes yeux. Une vraie maladie, autre que celle du souvenir. Un vrai prétexte pour me plaindre. Quelque chose qui me permette de donner un motif valable à mes larmes et mes silences. Parfois j’aimerais que tu sois là. Pour de vrai. Je ne veux pas oublier la couleur de tes yeux. Je serais prête à regarder des milliers de couleurs sur des dizaines de bandes pour que ton visage ne disparaisse pas.
Je ne m'énerve pas d’accord ?! Je t’explique les choses. Je me fiche de ce que les gens pensent. Je veux en profiter pour crier du plus fort que je le peux, tant que le temps me le permet. Et puis, moi je penses à toi, à toutes ces choses que j’avais l’habitude de faire avec toi. Cette séquence, j’aurais aimé l’éviter Léo. Parce que tu n’es pas là… que ce rituel nous appartenait, que… que je ne veux pas avoir à le faire sans toi. C’est la première fois. Et je regrette. Je regrette toutes ces projections que tu aurais voulu admirer mais que tu n’auras plus jamais l’occasion de voir. Je regrette tes gestes, et toutes les fois où je t’ai demandé de te taire juste pour contempler une scène. Je regrette de n’être pas assez forte pour faire des choses aussi futiles qu’aller au cinéma seule. Je regrette de t’avoir obligé à traverser, et je regrette ces fichus mots qui resteront à jamais gravés au dessus de ce que tu es désormais. Je regrette simplement de ne pas t’avoir dit à quel point j’avais besoin que tu respires, à quel point j’aimais t’entendre rire..
Je regrette d’avoir besoin d’un écran, sur lequel sont projetés tant de sentiments, pour enfin t'avouer ce que je ressens. J’aimerais effacer le scénario de ces deux derniers mois, rembobiner quelques pellicules retraçant nos vies et en brûler d’autres. Faire des montages où tout est rose,et gagner un prix pour être libre de simplement te voir vivre. J'essayais de repousser un générique qui défilera de toute façon un jour, avec ou sans moi. Je redoutais simplement d’y voir apparaître ton nom, en simple épitaphe.
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